Mise en ligne le 14 décembre 2007 de l’article paru initialement dans le Guide Pratique de l’archivage électronique d’Archimag (octobre 2007) et dans la Lettre de la Confiance de la FNTC (n°13 décembre 2007).
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Avec l’essor de la dématérialisation et la substitution de pièces numériques aux originaux papiers, l’archivage électronique est devenu un thème essentiel pour les acteurs de l’économie numérique et de l’administration électronique. Du côté de l’offre, deux catégories majeures de prestataires sont présentes sur ce marché : les tiers-archiveurs, d’une part, et les éditeurs de solutions d’archivage de type coffre-fort électronique d’autre part. Dès lors se pose pour les organisations la question du prestataire auquel il convient de recourir pour qu’elles puissent mettre en œuvre leur stratégie d’archivage électronique et de la nature des critères qu’il faut prendre en considération pour opérer ce choix.
Avant d’exposer les avantages respectifs des plates-formes internes aux organisations ou externalisées, il convient dans un premier temps de souligner que le véritable enjeu réside, pour les entités privées ou publiques, dans la qualité de leur archivage électronique. Il s’agit évidemment de pouvoir disposer des preuves numériques qui peuvent s’avérer indispensables dans les cas de contentieux ou de contrôles. Il s’agit également de veiller à la préservation et à la disponibilité du patrimoine informationnel dont l’importance en tant qu’actif ne cesse de croître dans la société de l’information.
Pour ce faire, un département plus ou moins spécialisé se doit de prendre en charge le sujet devenant ou devenu crucial de l’archivage électronique. Cette spécialisation apporte la capacité d’aborder les dimensions technologiques, juridiques et organisationnelles. C’est une fois cette prise de conscience effectuée sur la nécessaire autonomisation de l’archivage électronique par rapport à d’autres prestations connexes comme la sauvegarde, que peut s’opérer le choix de recourir ou non à un prestataire de service spécialisé.
Compétences et maîtrise des coûts
Les critères qui peuvent conduire une organisation à opter pour l’externalisation de l’archivage électronique sont ceux que l’on retrouve traditionnellement dans les décisions de recours à l’infogérance ou au Business Process Outsourcing. Dans un secteur aussi évolutif et pluridisciplinaire que l’archivage électronique, la disponibilité des compétences est à l’évidence un élément clé dans le processus de décision. La réduction des coûts liée à la mutualisation et la variabilité des coûts constituent également des critères d’appréciation habituels.
Inversement, le choix de l’internalisation sera classiquement privilégié si le domaine est considéré comme un élément stratégique indissociable du cœur de métier. C’est sans doute dans ce sens qu’il faut interpréter l’existence d’un cadre juridique qui limite les recours pour les collectivités publiques à l’externalisation de l’archivage, qu’il soit papier ou électronique. Soulignons au passage que la réflexion sur le caractère stratégique de l’archivage pour l’organisation mérite d’être repensé dans la mesure où l’archivage électronique pose dans un cadre renouvelé la question de l’accès généralisé au patrimoine informationnel alors que l’archivage papier était – sans doute à tort – associé dans l’imaginaire collectif à l’image de la boîte à carton poussiéreuse oubliée à la cave.
Une fois effectué la liste des avantages liés à l’externalisation, une des critiques qui lui est généralement associée doit être ouvertement abordée : le risque de « verrouillage » du client par le prestataire. Cette situation de dépendance économique pouvant se traduire par une moindre capacité à négocier les tarifs. Il convient d’admettre que ce risque est d’autant plus présent en matière d’archivage électronique qu’il s’agit d’un domaine qui par nature présente un fort caractère récurrent. Là encore, la bonne approche consiste à retenir une règle en vigueur pour toutes les prestations d’externalisation. Il ne s’agit pas de se débarrasser d’un problème auquel on ne comprend rien mais bien de conserver en interne les compétences nécessaires afin de gérer au mieux la relation avec le prestataire et notamment la garantie de réversibilité et d’interopérabilité de la solution choisie. Il y va également de l’intérêt du tiers-archiveur ou de l’éditeur.
La décision du recours à l’externalisation pour l’archivage électronique obéit donc pour l’essentiel aux mêmes critères que les autres décisions d’externalisation. Une des spécificités propre au domaine concernera cependant la capacité offerte par les tiers-archiveurs à proposer également dans le cadre d’une relation plus globale des prestations complémentaires telles que l’éditique, la numérisation, les accès ASP ou la prise en charge des archives papier.
Complémentarité des approches
Il convient en revanche de nuancer fortement la thèse parfois défendue selon laquelle l’archivage externalisé – ou à l’inverse un archivage effectué en interne – représenterait par nature un archivage « encore plus légal ». Ce qui importe est bien de disposer d’un archivage électronique de qualité. C’est ce qu’a retenu le Forum des droits sur l’internet dans sa recommandation « conservation électronique des documents » du 1er décembre 2005 en défendant le principe de « neutralité organisationnelle ».
Il est enfin important de souligner que les choix entre archivage électronique externalisé ou le recours à un progiciel d’archivage électronique ne doivent pas être systématiquement envisagés comme des options antinomiques. En premier lieu, les tiers-archiveurs peuvent eux-mêmes utiliser dans le cadre de leurs offres de services des progiciels d’archivage par ailleurs commercialisés directement auprès des organisations pour une mise en œuvre en interne. Ils jouent ici pleinement leu rôle d’experts technologiques proposant à leur client les meilleures technologies disponibles qui ne sont pas obligatoirement celles qu’ils auront développées de A à Z avec l’avantage économique de pouvoir les mutualiser.
En second lieu, avec la maturité croissante de l’archivage électronique, le choix internalisation / externalisation ne sera ni définitif, ni exclusif. L’entreprise pourra au cours de son existence effectuer des allers et retours entre l’externalisation et l’internalisation ce qui lui imposera de veiller aux garanties qu’elle sera à même d’obtenir en matière de réversibilité tant de la part du tiers-archiveur que de l’éditeur de progiciel.
A l’avenir, les organisations seront vraisemblablement de plus en plus enclines à opter pour l’externalisation partielle de l’archivage électronique avec des répartitions qui s’opéreront par exemple en fonction de la nature, du format ou de l’ancienneté des documents archivés. En la matière, le respect des normes et standards susceptibles d’assurer l’interopérabilité représente dès à présent une nécessité pour anticiper l’avènement de cet archivage mixte interne / externe. Ce type d’approche rendra vaine les oppositions radicales de nature doctrinale entre les tenant de l’internalisation et les adeptes de l’externalisation. Elle donne en revanche tout leur sens aux partenariats qui se mettent en œuvre entre tiers-archiveurs et éditeurs de façon à proposer aux utilisateurs les solutions les plus adaptées à leurs impératifs stratégiques et les plus évolutives dans le long terme.
Alain Borghesi et Marc Chedru (FNTC)
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