Dans un communiqué de presse diffusé le 15 octobre 2024, le Ministère de l’Économie, des Finances et de l’Industrie rebat une nouvelle fois les cartes de la mise en place de la Facture Électronique en France, annonçant un changement de cap pour le PPF.
Au travers d’un exercice de communication positive assez remarqué, le Ministère a annoncé le maintien du calendrier pour la mise en place de la réforme prévue pour septembre 2026 et septembre 2027. Mais surtout, il indique en filigrane qu’il n’y aurait plus de Portail Public de Facturation (PPF) pour les échanges de factures entre assujettis ainsi que pour la déclaration de l’e–reporting de transaction et de paiements tels que prévus dans les Lois de Finances de ces dernières années et les décrets en découlant
1. Pourquoi ce changement de cap pour le PPF ?
Avant d’y répondre, revenons quelques étapes en arrière… La réforme de la Facture Électronique, annoncée par la loi finance 2020 et confirmée par l’amendement n°i-5395 déposé le 17 octobre 2023, était basée sur un modèle dit en « Y » composé principalement de Plateformes de Dématérialisation Partenaires (PDP) mais également du Portail Public de Facturation (PPF) qui avait principalement 3 fonctions :
- héberger l’annuaire public des assujettis,
- être le concentrateur pour la réception des déclarations, des factures et des transactions à l’Administration Fiscale,
- être un portail gratuit offrant un service minimum aux assujettis pour l’échange de leurs factures ainsi que les déclarations d’e-reporting en conformité avec les décrets et arrêtés publiés[1].
Ce projet titanesque, repoussé d’abord en août 2022 puis en juillet 2023, a vu son délai s’allonger de 3 ans et son budget considérablement augmenter au fil des mois.
Suite à la dissolution de juin 2024, la nomination du nouveau Premier Ministre et dans le contexte de l’établissement de la nouvelle loi de finances, le périmètre du PPF a été revu pour se concentrer sur les fonctions de concentrateur de données pour la DGFiP et d’hébergement de l’annuaire. Le portail gratuit à destination des assujettis n’est donc plus d’actualité.
Délais rallongés, budgets dépassés, mise en œuvre complexe… Certains se demandent sans doute pourquoi la réforme n’a pas tout simplement été annulée. N’oublions pas que la motivation première de cette réforme, à savoir la lutte contre la fraude à la TVA, demeure d’actualité[2] et que le contexte européen, avec notamment l’accord en novembre 2024 pour la mise en place de la réforme VAT in the Digital Age (ViDA), obligera l’ensemble des assujettis européens à échanger des factures électroniques en 2030. Une annulation maintenant n’aurait tout simplement pas été dans le sens de l’Histoire ni de l’augmentation des recettes fiscales.
2. Quelles sont les conséquences de cette nouvelle décision ?
Ce réajustement entraîne des conséquences non négligeables, tant pour les assujettis que pour les prestataires de services et les éditeurs.
Les plateformes privées reviennent au centre du dispositif et la disparition du portail public les rend de facto les seules habilitées à traiter l’ensemble des factures B2B domestiques des 8 millions d’assujettis en France.
Les assujettis qui avaient opté pour le service gratuit proposé par l’Administration au travers du PPF doivent désormais choisir leur PDP à quelques mois seulement de la mise en place.
- Les auto-entrepreneurs et micro-entreprises, qui ont en général un nombre limité de factures, comptaient pour la plupart sur le service gratuit proposé par le PPF et dont l’offre minimaliste semblait convenir à leurs besoins. Ils devront désormais se tourner vers une PDP et s’assurer de l’adéquation des offres avec leur besoin, et rester critiques vis-à-vis des offres, aussi alléchantes soient-elles.
- À l’opposé, certaines des Grandes Entreprises (GE) générant des dizaines de millions de factures par mois avaient choisi de travailler directement avec le PPF.
Celles-ci sont d’ores et déjà à la recherche de PDP capables de gérer leur volumétrie. Ce changement d’orientation à moins de 2 ans de l’entrée en vigueur de la réforme de la facture électronique les oblige en effet à revoir une grande partie de leur projet de mise en conformité. Quitte pour certaines à devenir elles-mêmes PDP en s’appuyant sur des développements internes ou sur une autre PDP en marque blanche. - Enfin, les PME et ETI qui avaient, pour certaines d’entre elles, commencé leurs investissements pour s’intégrer directement au PPF sont contraintes de repartir de zéro ou presque. Elles doivent désormais chercher une PDP qui puisse à la fois répondre à leurs besoins et s’intégrer facilement à leurs outils.
Il leur faut donc rapidement identifier les bons partenaires pour relancer leur projet, être prêtes dès l’entrée en vigueur de la réforme en septembre 2026.
Enfin, les derniers acteurs directement touchés par la décision communiquée le 15 octobre, et pas des moindres, sont les Opérateurs de Dématérialisation (OD). Ils sont désormais contraints de s’interfacer à au moins une PDP ou à en devenir une à très court terme pour être en mesure de pouvoir continuer à servir leurs clients sur les aspects e-invoicing et e-reporting. À moins de 2 ans de l’entrée en vigueur de la réforme, cela signifie revoir à la fois leurs stratégies d’intégration et leurs business model pour maintenir leur position sur le marché. Il va leur falloir réagir rapidement afin de nouer dès à présent les partenariats qui leur permettront de mieux valoriser leur offre tout en proposant une expérience client optimale.
En conclusion, le virage annoncé par le Ministère de l’Économie, des Finances et de l’Industrie le 15 octobre dernier a provoqué un véritable séisme dans l’écosystème qui prépare depuis 4 ans maintenant la réforme de la facture électronique. L’ensemble des parties prenantes est concerné et doit réagir rapidement pour s’adapter à ce bouleversement majeur.
Si l’on devait comparer la mise en place de cette réforme à un marathon, l’annonce de l’annulation du volet portail public du PPF s’apparente à un changement de parcours en pleine course. Ceux qui ont démarré rapidement et parcouru le plus de chemin devront revoir leur tactique et parfois même faire demi-tour, tandis que les autres se voient contraints d’accélérer dès maintenant pour rester dans la course et éviter d’être hors délai.
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Article rédigé par Samuel MUSNIER
[1] Selon l’appel d’offre attribué pour 21 millions d’euros en 2022 à Capgemini et CGI, celui-ci devait être capable de traiter 70% des factures échangées entre assujettis en France (de 1,5 à 2 milliards par an).
[2] La DGFiP estimait le manque à gagner de la TVA entre 6 et 10 milliards d’euros en septembre 2024
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